La déprescription, pour optimiser votre médication

Vous prenez plusieurs médicaments, et certains depuis longtemps ? Deux actions simples peuvent contribuer à mieux gérer votre santé.

À jour le 21 mai 2025

D’abord, il peut être utile d’en discuter avec un professionnel de la santé : certains médicaments pourraient ne plus être nécessaires, selon votre état de santé actuel. C’est ce qu’on appelle la déprescription. Ensuite, un petit ménage annuel de votre armoire à pharmacie peut faire toute la différence. Produits périmés, restes de prescriptions ou médicaments en vente libre devenus inutiles peuvent être rapportés à votre pharmacie pour une élimination sécuritaire.

Pourquoi les personnes âgées prennent-elles tant de médicaments ?

Il est possible de vieillir en santé. Mais en prenant de l’âge, certaines personnes ont besoin de médicaments pour maintenir leur bien-être. Selon l’Institut canadien d’information sur la santé (ICIS), en 2021, 25% des personnes aînées du Canada de plus de 65 ans ont ainsi obtenu des ordonnances pour plus de dix catégories différentes de médicaments. Selon une autre étude réalisée au Québec, les personnes aînées, assurées par le régime public d’assurance médicaments du Québec, en date du 1eravril 2022, prenaient, quotidiennement, une moyenne de 4,9 médicaments. Notons que, selon l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), le terme «polypharmacie» est utilisé quand une personne prend plus de cinq médicaments au cours d’une même année.

Plusieurs raisons justifient la consommation d’une telle quantité de médicaments. Par exemple, il arrive qu’une personne obtienne des ordonnances tant pour soigner des problèmes de santé que pour en éviter d’autres. «C’est le cas des médicaments pour l’hypertension qui servent notamment à prévenir les maladies cardiovasculaires», souligne Edeltrault Kröger, professeure associée à la faculté de pharmacie de l’Université Laval et chercheuse au Centre de recherche du CHU de Québec (CRCHU).

Regroupement de médicament, pastilles et pilules mélangé

À l’inverse, il arrive que des personnes âgées continuent de suivre des traitements alors qu’ils ne sont plus nécessaires. Mme Kröger explique que cela peut se produire notamment lorsqu’un médecin spécialiste prescrit un médicament et que, par la suite, il ne revoit pas son patient. Dans une telle situation, le spécialiste n’a pas l’occasion de vérifier si le médicament prescrit est toujours pertinent. Et le patient risque de continuer à le prendre alors que ce n’est plus nécessaire.

Parfois, des médicaments interagissent entre eux, provoquant de nouveaux problèmes de santé. Si une telle interaction n’est pas détectée, les maux qu’elle occasionne peuvent faire l’objet d’une nouvelle ordonnance. Et ce médicament supplémentaire risque, lui aussi, de provoquer des problèmes de santé qui, à leur tour, nécessiteront la prise d’un autre médicament. C’est ce que l’on appelle une cascade médicamenteuse. «Souvent, ces cascades peuvent être composées de trois ou quatre médicaments», précise Alexandre Campeau-Calfat, pharmacien et candidat au doctorat en pharmacoépidémiologie à l’Université Laval.

Les défis de la polymédication chez les personnes aînées

Les médicaments sont bien sûr essentiels pour traiter de nombreuses conditions, mais il est parfois nécessaire de revoir leur pertinence au fil du temps. Car la prise de plusieurs médicaments, susceptible d’entraîner des interactions et des cascades médicamenteuses, risque aussi de se compliquer avec l’ajout de médicaments disponibles en vente libre. Même s’il est facile de se les procurer, ces médicaments peuvent avoir des effets notables chez les personnes aînées. C’est pourquoi il est important d’en parler à votre pharmacien, surtout si c’est pour une période dépassant quelques jours, alors que vous prenez déjà des médicaments sur prescription.

Étourdissements, somnolence, baisse de la pression artérielle ou du rythme cardiaque… les effets indésirables causés par certains médicaments sont nombreux et peuvent augmenter significativement le risque de chutes. Les aînés qui prennent plus de cinq médicaments courent deux fois plus de risques de chuter. On sous-estime souvent ces effets, car la tendance est de les attribuer, à tort, au vieillissement normal. «Lorsque l’on vieillit, ce n’est pas normal de se sentir fatigué, de tomber, de faire de l’incontinence urinaire ou d’avoir des troubles cognitifs», explique M. Campeau-Calfat. Tous ces problèmes de santé peuvent être causés par des maladies, mais aussi par des effets indésirables liés aux médicaments — même ceux qui sont appropriés. Il arrive d’ailleurs que des personnes aînées soient hospitalisées à cause de leur médication. Selon une étude, cela représenterait jusqu’à 31% des admissions à l’hôpital chez les aînés. C’est pourquoi il est important de réévaluer épisodiquement la médication des personnes aînées.

Adapter son traitement médicamenteux à son état de santé

Avec le temps, certains médicaments peuvent devenir moins utiles ou poser plus de problèmes qu’ils n’en règlent. Il devient alors pertinent de revoir son traitement. Une telle démarche est particulièrement utile pour les personnes qui prennent les mêmes médicaments depuis des années. C’est votre cas ? Si vous amorcez une telle démarche, il faudra agir avec prudence et discernement et, surtout, ne jamais arrêter la prise de vos médicaments sans d’abord en parler avec votre professionnel de la santé. Car ce n’est qu’avec son aide que vous serez en mesure d’évaluer ce qui est le plus sécuritaire pour vous. «Lors d’un processus de déprescription, nous travaillons en étroite collaboration avec le patient», souligne M. Campeau-Calfat. Et chaque fois, nous avons un plan de match assez solide, ce qui a pour effet de le rassurer.» Plusieurs personnes âgées voient cette possibilité d’un bon œil. «Selon des études, même si la majorité d’entre elles se disent confortables avec leurs médicaments, les trois quarts seraient prêtes à arrêter l’un d’eux si leur médecin leur disait que c’est possible», affirme Alexandre Campeau-Calfat.

La déprescription prend du temps. Elle peut s’étaler sur des mois, voire des années. Au début, le pharmacien vérifie quels sont les objectifs du patient et jusqu’où il est prêt à aller, puis il fait des suivis réguliers avec lui. Si certains médicaments sont arrêtés, d’autres sont maintenus, parfois avec certains aménagements. Par exemple, un médicament qui affecte le sommeil pourra être pris le matin plutôt que le soir, tandis que la posologie d’un autre sera modifiée. Le pharmacien proposera aussi des solutions pour les médicaments qui ne sont plus nécessaires, mais qui sont difficiles à arrêter, car, dès qu’on tente de les interrompre, les symptômes reviennent avec intensité. «L’important, c’est que chaque personne puisse adopter la recette qui est la meilleure pour elle», dit Edeltrault Kröger.

Particularités par tranche d’âge

Prendre un médicament inapproprié a plus de conséquences pour les personnes aînées que chez les personnes plus jeunes. La raison ? «Avec l’âge, l’élimination des médicaments se produit de plus en plus lentement, ce qui fait que des substances nocives peuvent s’accumuler dans le corps», rappelle Alexandre Campeau-Calfat. Selon le spécialiste, le cerveau des personnes âgées devient plus sensible aux médicaments. Leurs effets indésirables peuvent donc être plus intenses et plus nombreux.

Comment optimiser votre médication

Vous souhaitez vous assurer que votre médication convient à vos besoins ? Voici comment vous y prendre.

  • Assurez-vous de toujours faire affaire avec la même pharmacie ou le même pharmacien. Ainsi, vous serez certain que le professionnel qui vous conseille connaîtra bien votre dossier. Ceci vaut pour toute personne prenant un ou plusieurs médicaments de façon chronique.

  • Vous prenez beaucoup de médicaments et cela vous inquiète ? N’hésitez pas à poser des questions sur la pertinence et les effets de chacun d’eux.

  • Vous ressentez certains symptômes, comme de la fatigue ou des étourdissements ? Parlez-en à votre pharmacien. Ceux-ci peuvent être causés tant par un nouveau médicament que par un médicament que vous prenez depuis longtemps ou encore en raison d’un autre problème.

  • Vous prenez des médicaments sans ordonnance ou des produits naturels ? Informez-en votre pharmacien. Ces produits peuvent aussi avoir un impact sur votre santé ou encore être la source d’effets indésirables ou d’interactions médicamenteuses. Selon Edeltraut Kröger, les produits naturels demandent d’ailleurs une attention particulière, car ils ne sont pas contrôlés de la même façon que les médicaments et ne sont donc pas aussi sécuritaires. Qu’ils soient «naturels» ne veut pas dire qu’ils sont toujours bénins ou sans danger.

  • On vous prescrit un nouveau médicament ? Demandez à votre pharmacien à quoi il sert et s’il peut être pris avec vos autres médicaments. Demandez-lui également s’il est susceptible de vous causer des effets indésirables et, si c’est le cas, quels sont ces effets. Votre pharmacien est là pour répondre à vos questions et s’assurer que vos médicaments sont sûrs et efficaces pour vous.

  • Chaque année, demandez à votre pharmacien de vérifier si les médicaments que vous prenez sont toujours pertinents. Cette révision régulière permettra de vous assurer que vos traitements sont toujours adaptés à vos besoins et à votre état de santé.

  • Rappelez-vous que certains problèmes de santé peuvent être traités par d’autres thérapies que les médicaments. C’est notamment le cas des troubles du sommeil, qui peuvent se résoudre grâce à certaines techniques simples – pour en savoir plus, lisez l’article intitulé Troubles du sommeil: quand faut-il s’inquiéter ?, que nous publions sur cette plateforme.

Si vous avez des doutes, n’hésitez pas à en parler avec votre pharmacien. Il peut vous aider à revoir l’ensemble de votre médication, si nécessaire.

Quand et qui consulter ?

Pharmacien qui recherche un produit en pharmacie

Vous aimeriez revoir vos médicaments avec un professionnel de la santé ? Parlez-en à votre pharmacien et demandez-lui si vous pouvez obtenir de l’aide de sa part. La déprescription est un processus complexe qui doit se faire avec l’aide d’un professionnel, et le pharmacien est la meilleure personne pour vous accompagner. «Il est formé pour travailler avec le patient ainsi que pour prendre en compte ses préférences et ses questionnements», souligne Edeltraut Kröger. Entreprendre un processus de déprescription est particulièrement opportun si vous prenez certains médicaments depuis longtemps ou si vos ordonnances viennent de plusieurs médecins différents.

Que vous consultiez votre pharmacien dans une pharmacie de quartier, un établissement de santé ou un groupe de médecine de famille (GMF), ou dans tout autre contexte, sachez que le processus de déprescription est complexe et nécessite du temps et une analyse approfondie. Votre pharmacien pourrait donc vous proposer un rendez-vous dédié à cette démarche, car cette évaluation nécessite une attention particulière qui dépasse le cadre d’une consultation rapide au comptoir.

Il est possible que, à l’occasion, le pharmacien qui vous accompagne se réfère à votre médecin. «Le pharmacien dispose d’outils pour tenir votre médecin informé de tout changement dans vos médicaments, explique Alexandre Campeau-Calfat. Et si plusieurs médecins vous prescrivent des médicaments, il peut avoir une vue d’ensemble de votre situation.»

Selon le spécialiste, de nombreux médecins sont conscients des problèmes qui peuvent survenir avec les médicaments et, lorsqu’un processus de déprescription est en marche, ils y collaborent volontiers. «Souvent, je vois même sur des ordonnances la mention “pertinence de réévaluer” ou “encourager la diminution”», ajoute-t-il. Voilà qui est positif!

À retenir

  • Les médicaments sont essentiels pour traiter de nombreuses conditions de santé. Pour vous assurer qu’ils continuent d’être bénéfiques, il est important de les réévaluer régulièrement avec votre professionnel de la santé.

  • Les personnes aînées sont celles qui prennent le plus de médicaments.

  • Avec l’âge, l’élimination des médicaments s’effectue de plus en plus lentement, ce qui peut causer certains problèmes. Si vous observez des changements au niveau de votre santé, parlez-en à votre médecin ou votre pharmacien. Cela pourrait indiquer que quelque chose ne va pas avec vos médicaments.

  • Les personnes aînées sont celles qui risquent le plus d’être victimes d’effets indésirables en lien avec leurs médicaments.

  • Votre pharmacien peut évaluer avec vous si une révision de vos médicaments peut être bénéfique pour votre santé. Si c’est le cas, il pourra vous accompagner dans un processus d’optimisation de votre traitement.

  • Ce processus s’échelonne sur plusieurs mois, voire des années. Il se fait en étroite collaboration avec un pharmacien.

  • Lors d’un processus de déprescription, le pharmacien travaille en collaboration avec le médecin.

  • Consultez votre pharmacien avant de commencer un traitement avec un médicament en vente libre ou tout autre produit naturel ou en vente libre.

À l’intention des proches aidants

  • Vous vous inquiétez des médicaments que prend votre proche ? Essayez d’ouvrir le dialogue avec lui pour connaître sa perception par rapport à sa médication. Connaît-il bien les médicaments qu’il prend ? Ont-ils été révisés récemment ?

  • Vous trouvez qu’il ne va pas bien ? Il est normal de s’inquiéter dans une telle situation. Soyez attentif aux symptômes qui l’affectent et prenez des notes. Celles-ci pourraient éventuellement aider les professionnels de la santé à mieux le soutenir.

  • Dans un cas comme dans l’autre, suggérez-lui de consulter son pharmacien pour obtenir une opinion à l’égard de ses médicaments et de leurs possibles effets secondaires ou interactions.

  • Il accepte ? Demandez-lui s’il se sent à l’aise d’effectuer cette démarche par lui-même. Au besoin, proposez-lui de l’accompagner. Votre soutien peut faire une différence.

  • Vous avez convenu d’aller ensemble rencontrer le pharmacien ? Avant la consultation, aidez votre proche à préparer ses questions. Demandez-lui également s’il est d’accord pour que vous participiez à la conversation. Puis, durant la rencontre, prenez des notes. Par la suite, vous pourrez les repasser avec votre proche, voire lui en laisser une copie. Cela l’aidera à se rappeler des conseils qui lui ont été prodigués.

  • En tout temps, faites en sorte de maintenir une communication positive avec votre proche. Pour ce faire:

    • Écoutez ses préoccupations sans minimiser ni amplifier ses inquiétudes.

    • Valorisez les efforts qu’il fait pour prendre soin de sa santé.

    • Respectez son rythme et ses décisions concernant ses traitements.

    • Rappelez-vous que votre rôle est de l’accompagner et de le soutenir, tout en respectant son autonomie, car la décision finale lui revient.

Rédaction: Maryse Guénette

Révision interne: Équipe de rédaction de la Fondation AGES

Révision scientifique: Edeltrault Kröger, chercheuse au Centre d’excellence sur le vieillissement de Québec, CIUSSS CN et au Centre de Recherche du CHU de Québec et professeure associée à la faculté de pharmacie de l’Université Laval

Alexandre Campeau-Calfat, pharmacien et candidat au doctorat en pharmacoépidémiologie à l’Université Laval

Révision linguistique: François Grenier

Références

CAMPEAU CALFAT, Alexandre et autres. Association between number of medications and indicators of potentially inappropriate polypharmacy: a population-based cohort of older adults in Quebec, Canada. Therapeutic Advances in Drug Safety, vol. 15, 25 décembre 2024, p. 1–17. https://doi.org/10.1177/20420986241309882

INSTITUT CANADIEN D’INFORMATION SUR LA SANTÉ. Utilisation des médicaments chez les personnes âgées au Canada. 2025. https://www.cihi.ca/fr/utilisation-des-medicaments-chez-les-personnes-agees-au-canada

KRÖGER, Edeltraut et autres. La surprescription auprès de la personne âgée – comment intervenir  ? Le point en administration de la santé et en services sociaux, vol. 10, no 3, décembre 2014, p. 4–045. https://www.researchgate.net/publication/270570952_La_surprescription_aupres_de_la_personne_agee_-_comment_intervenir

RÉSEAU CANADIEN POUR L’USAGE APPROPRIÉ DES MÉDICAMENTS ET LA DÉPRESCRIPTION. Quand l’équilibre vacille, vos médicaments en sont-ils la cause  ? 2025. https://www.reseaudeprescription.ca/chutes

SALVI, Francesco et autres. Adverse drug events as a cause of hospitalization in older adults. Drug Saf., vol. 35, suppl. 1, 2012, p. 29–45. https://doi.org/10.1007/BF03319101

STERNBERG, Shelley A. et autres. Cascade médicamenteuse chez la personne âgée. Journal de l’Association médicale canadienne, vol. 193, no 16, 19 avril 2021, p. E589. https://www.cmaj.ca/content/193/16/E589

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