Les communautés compatissantes : comme un chemin vers l’autre

Avez-vous déjà entendu parler des communautés compatissantes  ? Ce mouvement, qui a fait son apparition au Québec il y a quelques années et qui permet à certains organismes d’offrir de l’aide aux personnes endeuillées ou en fin de vie, est susceptible de vous intéresser. Et si ses réalisations vous inspirent, vous pourriez même jouer un rôle dans son déploiement.

À jour le 9 juin 2025

Deux femme souriante dans un parc.

Définir les communautés compatissantes

Comme son nom l’indique, une communauté compatissante est une communauté dans laquelle les gens prennent soin les uns des autres. Derrière ce terme – qui est parfois remplacé par celui de communautés bienveillantes – se cache un mouvement originaire de l’Australie qui, au cours des dernières décennies, s’est propagé à travers le monde. Au Canada, les communautés compatissantes ont d’abord fait leur apparition en Colombie-Britannique, où elles sont très présentes.

Les communautés compatissantes reposent sur l’engagement de leurs membres – proches, voisins, bénévoles, intervenants communautaires, professionnels ou simples citoyens. Par leurs gestes concrets et leur présence bienveillante, toutes ces personnes favorisent l’entraide et la compassion afin que les personnes vulnérables puissent être aidées lorsqu’elles sont en situation de fin de vie ou de deuil de toutes sortes, mais aussi lorsqu’elles traversent une période particulièrement difficile, notamment si elles souffrent d’une maladie grave, sont victimes d’une éviction ou sont isolées socialement. Les membres de ces communautés compatissantes jouent un rôle important auprès des personnes aînées parce que les deuils – grands et petits – sont plus nombreux lorsque l’on prend de l’âge.

Pour que de l’aide soit fournie aux personnes vulnérables, les communautés compatissantes font appel à des organismes et à des personnes hors du système de santé pouvant provenir des organismes communautaires, des membres de la famille, des voisins et des citoyens. « Elles jouent un rôle actif et font en sorte qu’un réseau de soutien puisse se tisser autour d’elles », explique Cynthia Lapointe, responsable de projets en développement communautaire à la Résidence de soins palliatifs Teresa-Dellar.

Ce mouvement joue un rôle particulièrement important pour les personnes en fin de vie, car, aujourd’hui, avec l’évolution des soins de santé et des technologies médicales, cette dernière étape dure plus longtemps qu’avant. Serge Daneault, médecin, chercheur et professeur agréé à l’Université de Montréal, déplore que ces personnes ne soient pas toujours considérées comme des personnes à part entière. « Avec les communautés compatissantes, nous voulons leur redonner de la valeur, précise-t-il. Nous voulons également que cette dernière période de la vie ait un sens pour elles. »

Il y a aussi que, depuis une quinzaine d’années, nous assistons à une médicalisation de la mort. Autrefois perçue comme un événement naturel et plutôt social, la mort se déroule aujourd’hui majoritairement en milieu hospitalier et les membres du personnel médical en deviennent les acteurs principaux. Selon M. Daneault, cela a pour conséquence de faire reculer l’aide venant de la communauté et des citoyens qui n’ont pas les mêmes outils que le système de santé et qui ne trouvent plus leur place. Lise Jean, chargée de projet à Communauté compatissante Montréal, ajoute que les services professionnels n’occupent pourtant qu’une petite partie de la vie des personnes malades. « C’est comme si le reste de leur vie avait été escamoté », déplore-t-elle.

Pour Mme Émilie Lessard, anthropologue et chercheuse postdoctorale, cela est grave, car, avec le vieillissement de la population, notre système de santé ne pourra bientôt plus suffire à la demande. « Les personnes qui ont accès aux soins palliatifs sont celles qui n’en ont que pour six mois ou moins à vivre, souligne-t-elle. Mais aujourd’hui, il n’est pas rare qu’entre le diagnostic d’une maladie grave et un décès, il s’écoule une période de cinq à dix ans. » Durant cette période, les communautés compatissantes se font un devoir d’agir.

Selon Mme Lessard, les personnes en fin de vie passent la plupart de leur temps avec leurs proches. C’est pourquoi le système de santé ne devrait pas être le seul à s’en occuper: la société devrait le faire aussi. « Nous avons besoin de la communauté pour accompagner les personnes en fin de vie jusqu’au bout ou, à tout le moins, afin de promouvoir la santé durant cette période », soutient-elle. Selon les personnes interviewées, il en va de même à l’égard des personnes vulnérables dans toutes les situations mentionnées précédemment.

Particularité selon l’âge

Nous pouvons avoir besoin d’une communauté compatissante à n’importe quel moment de la vie, mais plus nous avançons en âge, plus ce besoin risque de se faire sentir. En vieillissant, les proches et les amis meurent: on vit parfois des deuils consécutifs. D’autre part, le risque de souffrir d’une maladie grave augmente. À cela s’ajoutent toutes les pertes liées au vieillissement, telles que les changements au niveau de l’autonomie, le réseau social qui risque de diminuer, la vente d’une maison, etc. De plus, les personnes âgées qui n’ont pas d’enfants ou qui sont éloignées de leur famille risquent davantage que les autres de souffrir d’isolement.

Des applications concrètes

Au Québec, on trouve peu d’initiatives qui se présentent comme communauté compatissante, même si elles existent. Un projet de recherche élaboré par l’Institut de soins palliatifs de Montréal et mené par la Chaire de recherche du Canada sur le partenariat avec les patients et les communautés, auquel Émilie Lessard a d’ailleurs participé, a permis de mobiliser plusieurs partenaires issus des communautés. Ce projet de recherche a permis d’expérimenter le modèle et de soutenir le développement de deux communautés compatissantes à Montréal (Ouest-de-l’Île et Centre-Sud).

À l’image des populations vivant dans l’un et l’autre de ces secteurs, ces deux communautés sont fort différentes. La première, rattachée à la Résidence de soins palliatifs Teresa-Dellar, dessert une population relativement âgée dispersée sur un large territoire. La seconde, qui privilégie davantage une approche terrain et qui est devenue, en 2023, l’organisme à but non lucratif Communauté Compatissante Montréal, dessert des personnes plus jeunes ayant des enjeux d’itinérance, de santé mentale et de toxicomanie.

Chacune de ces communautés compatissantes travaille à sensibiliser les organismes de leur secteur aux enjeux qui touchent l’isolement, le vieillissement, la fin de vie et le deuil, en plus d’établir avec eux des collaborations qui permettront de faire naître des initiatives diverses correspondant aux besoins des personnes vivant sur leur territoire.

Grâce à ces communautés compatissantes, de telles initiatives ont vu le jour au cours des dernières années. Comme les communautés compatissantes, elles s’adaptent au milieu dans lequel elles se déploient. En voici un aperçu.

Dans l’Ouest-de-l’Île:

  • Des formations sont données dans des entreprises afin de soutenir les employés endeuillés ou agissant comme aidants naturels.

  • Grâce à une collaboration avec le Service de police de la Ville de Montréal, des personnes aînées victimes de fraude ont pu échanger entre elles, ce qui leur a permis de comprendre qu’elles n’étaient pas seules dans leur situation et qu’elles n’avaient pas à avoir honte. « C’est une façon de briser l’isolement de ces personnes », souligne Cynthia Lapointe.

  • Des élèves du secondaire interagissent durant six semaines avec des aînés en résidence. « Nous espérons qu’une fois devenus adultes, ces jeunes verront les aînés différemment et seront tentés par le bénévolat », précise Cynthia Lapointe.

  • Des personnes vulnérables sont aidées grâce à la collaboration de bénévoles formés par Nav-CARE, un organisme présent partout au Canada et qui forme des bénévoles afin d’améliorer la qualité de vie des personnes atteintes d’une maladie grave ou dont la santé se détériore.

Dans l’arrondissement Centre-Sud:

  • Des ateliers et des cafés deuil ont été mis en place afin d’amener des personnes endeuillées à échanger.

  • L’initiative « Solidaire face à la fin de vie » a été créée afin de jumeler des citoyens avec des personnes en fin de vie pour que ces dernières puissent bénéficier d’un accompagnement et parvenir à défendre leurs intérêts.

  • L’initiative intitulée « Parcours Compassion » portée par Mission Bon Accueil a été soutenue. Celle-ci permet à des personnes isolées ou en fin de vie recevant de l’aide alimentaire d’obtenir un accompagnement.

Pour obtenir de l’aide ou mettre en œuvre un projet

Les initiatives des communautés compatissantes vous inspirent  ? Vous pourriez approfondir vos connaissances sur le sujet en consultant les publications que nous vous suggérons plus bas, puis en parler à vos proches et aux gens de votre entourage. Vous pourriez également poser dès maintenant des gestes bienveillants. Par exemple, en allant faire les courses d’une personne âgée qui a du mal à se déplacer ou en accompagnant une personne malade à un rendez-vous.

Vous souhaiteriez vous impliquer davantage  ? Si vous avez en tête un projet que vous aimeriez voir naître, parlez-en autour de vous. Mieux: approchez des entreprises et des organismes communautaires de votre quartier qui pourraient vous appuyer. « Ce faisant, soyez à l’écoute de leurs besoins, suggère Mme Lapointe. Si votre proposition pouvait y répondre, ils seraient peut-être plus enclins à l’accueillir favorablement. » Pour vous aider, consultez les outils publiés plus bas ou communiquez avec l’une des deux communautés compatissantes qui existent au Québec.

À retenir

  • Derrière les communautés compatissantes se trouve un mouvement qui vise à soutenir toutes les personnes confrontées à la maladie grave, aux pertes significatives, à la fin de vie et au deuil. Pour ce faire, ce mouvement mobilise souvent des acteurs externes au système de santé.

  • Le mouvement des communautés compatissantes soutient que prendre soin des personnes gravement malades, en fin de vie, ou endeuillées, demeure une responsabilité collective. Face à la médicalisation croissante des soins de fin de vie, l’accompagnement venant des citoyens et le soutien de la communauté sont tout aussi importants pour accompagner jusqu’au bout les personnes qui en ont besoin.

  • Il est possible, et souhaitable que, chacun d’entre nous, nous adoptions un comportement bienveillant à l’égard des personnes vulnérables dans l’esprit des communautés compatissantes.

  • Toute personne peut faire connaître autour d’elle les communautés compatissantes et contribuer à leur création dans son secteur.

À l’intention des proches aidants

  • Informez-vous au sujet des communautés compatissantes en consultant les publications que nous vous suggérons plus bas.

  • Vous ou votre proche avez besoin de soutien  ? Est-ce que des initiatives qui s’apparentent à celles des communautés compatissantes pourraient répondre à ce besoin  ? Communiquez avec des organismes de votre secteur ou de celui de votre proche pour prendre des renseignements.

Rédaction: Maryse Guénette

Révision interne: Équipe de rédaction de la Fondation AGES

Révision scientifique:

  • Émilie Lessard, anthropologue et chercheuse postdoctorale à la Faculté des Sciences sociales et politiques de l’Université de Lausanne,

  • Serge Daneault, M.D., Ph. D., FRCPC, CRIUGM

  • Lise Jean, Chargée de projet chez Communauté Compatissante Montréal

Révision linguistique: François Grenier

Références

CHAIRE DE RECHERCHE DU CANADA SUR LE PARTENARIAT AVEC LES PATIENTS ET LES COMMUNAUTÉS. Communautés compatissantes
https://www.chairepartenariat.ca/nos-projets/communautes-compatissantes/

DUMONT, Kathia et autres. How compassionate communities are implemented and evaluated in practice: a scoping review. 2022. Chaire de recherche du Canada sur le partenariat avec les patients et les communautés
https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/35854292/

KELLEHEAR, Allan. Compassionate cities. 2012. Routledge

KELLEHEAR, Allan. The Compassionate City Charter: Inviting the cultural and social sectors into end of life care. In Compassionate communities, p. 76–87. 2015. Routledge

LESSARD, Émilie et autres. How does community engagement evolve in different compassionate community contexts ? A longitudinal comparative ethnographic research protocol. Palliative care and social practice, vol. 17, 2023
https://doi.org/10.1177/26323524231168426

LIVINGSTON, Gill. Oxford textbook of public health palliative care. 2022. Oxford University Press

VACHON, Mélanie. Les communautés compatissantes : une vision d’avenir pour la mort et les soins palliatifs. Les Cahiers francophones de soins palliatifs, vol. 19, no 2, p. 71–81
https://revues.ulaval.ca/ojs/index.php/cahiers-francophones-sp/article/view/53116/1322

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